Avant l'enregistrement de "Sun", le bruit courait d'un retour à la formule guitare-piano-voix que Chan Marshall avait délaissée durant la période "Greatest"/ "Jukebox" (2005-2008), qui l'a vue passer un cap en termes de succès public. "Sun" ne prend donc pas le contrepied attendu, et fait plutôt un pas du côté de l'électropop.
On rentre dans le disque par "Cherokee", avec un effet de guitare à la U2 et une rythmique synthétique ; ce nouvel habillage mainstream est le fil rouge qui conduit au naufrage final de "Nothing but time" (ritournelle qui rappelle fortement "Heroes" de David Bowie -"it's up to you to be a superhero / it's up to you to be like nobody") et l'intervention ridicule de Iggy Pop. Entre les deux, on assiste à une méthodique entreprise de sabotage de la voix de Chan Marshall, noyée dans sa soupe électro. Elle en est l'unique responsable, puisqu'elle a enregistré le disque toute seule (bien que le mixage final revienne à Philippe Zdar pour en gonfler le son), exception faite de l'entraînante "Ruin" sur laquelle elle s'entoure de musiciens dont les habitués Jim White (batterie) et Judah Bauer (guitare électrique). Ce n'est pas une réussite pour autant. Comme souvent chez Cat Power, la charpente des chansons n'est pas bien solide et elles tournent vite court ; mais là où elle jouait autrefois - bien souvent à son corps défendant - avec ses limites, et maintenant que sa voix n'est plus au premier plan, on en remarque surtout les béances.
"Sun" a pourtant un côté obscur, qui résiste au traitement groovy de l'ensemble. La chanson titre "Sun", "Always on my own" et dans une moindre mesure "Manhattan" creusent avec davantage de bonheur (sic) et une longueur presque masochiste un sillon électro solitaire et dépressif. Malheureusement, Chan refoule systématiquement cette tendance en intercalant des titres fades ("3, 6, 9", "Silent machine", "Human being"), jusqu'au fatal "Nothing but time".