Pop Rock | | 1970 | Album Original | Un CD Epic / Sony-BMG 2003 |
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SPIRALE | | |
| | | par Jérôme Florio le 05/05/2003
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| En 1970, Carole King est dans le métier depuis déjà longtemps : étonnant parcours que celui de cette jeune femme née en 1942 à Brooklyn, très tôt mère de famille. Après l'apprentissage précoce du piano, le rock'n'roll encore balbutiant débarque dans sa vie de lycéenne de façon fracassante. Elle rencontre et épouse le parolier Gerry Goffin, et bientôt la paire Goffin-King travaille au sein de la fameuse usine à tubes Brill Building, aux côtés entre autres de Doc Pomus et Mort Shuman. Dès la fin des années cinquante, ils alignent les tubes mondiaux, "The Locomotion" de Little Eva (leur baby-sitter !), "(You make me feel) Like a natural woman" dAretha Franklin... Après une première tentative de carrière solo en 1962, James Taylor la persuade de tenter à nouveau sa chance. Le résultat est "Writer", dont tous les titres sont signés Goffin-King. La musique de Carole King est un melting-pot, un cross-over de toutes les musiques populaires américaines depuis les fifties : son écriture extrêmement rigoureuse lui permet d'en faire la synthèse dans une forme proche de la pop, à la structure classique couplet-refrain. De son passage au Brill Building, Carole King a gardé une religion de l'efficacité. Les chansons se donnent immédiatement dès les premières secondes : exit la violence du rock, la sueur du rhytm'n'blues, la liberté du jazz. Tout est calibré, la mélodie ne changera pas brusquement en cours de route, d'où ce sentiment de sécurité, de confort domestique. "Writer" connaîtra un succès mitigé et peut apparaître comme un brouillon de "Tapestry" (1971), mètre-étalon auquel sont comparés tous ses autres disques. Pour l'instant, Carole King revisite son catalogue et déballe son savoir-faire dans beaucoup de styles différents, sans parvenir à trouver une vraie singularité. Avec sa voix chaude mais pas sensuelle, elle cherche le bon mélange : rock'n'roll ("Spaceship races"), folk à la Crosby Stills & Nash ("What have you got to lose"), jazz ("Raspberry jam")... La production manque de peps, les arrangements sont un peu plats (les orgues marqués seventies sur "Can't you be real") et manquent de précision. King pose ici les jalons de ses disques futurs, et contribue à imposer la tradition d'auteur-compositeur-interprète ("songwriter") : on trouve déjà les balades intimistes au piano (son instrument de prédilection), des chansons au message plus large et humaniste ("Eventually", très "Imagine" de John Lennon). "Writer" est une collection disparate de bonnes chansons qui peine à constituer un tout cohérent. Mais Carole King apprend vite : son prochain disque, "Tapestry" se classera n°1 et restera classé six ans dans les charts.
"Rhymes & reasons", sorti en 1972 après "Tapestry" et "Music", est son premier album composé exclusivement de nouvelles chansons. Elles prennent appui sur une base rythmique composée d'une batterie assourdie et de percussions, ensemble confortable dans laquelle King se cale confortablement. Trop peut-être pour bousculer ses habitudes. Bien que l'ensemble soit moins consistant et plus mou que "Tapestry", "Rhymes & reasons" se classera n°2. Le disque démarre en douceur sur "Come down easy", et la comptine "My my she cries" ne réveille pas l'auditeur. Quelques titres sont un peu lénifiants : le repli vers un amour béat de "The first day in August" et "I think I can hear you", le message compassionnel (dont le canon est "You've got a friend") de "Goodbye don't mean I'm gone". Il faut attendre le sixième titre ("Bitter with the sweet") pour avoir un peu de groove. Mais même dans une composition ronronnante comme "Gotta get through", des churs californiens rajoutent de la souplesse et une texture soyeuse sur le refrain, et sur le hit "Back to Canaan", ils emportent la mise. Seule au piano sur "Stand behind me", c'est encore là qu'elle s'engage le plus, et fait profiter de sa patte d'auteur. L'impression générale est le blues de quelque chose de perdu ou de manquant, comme l'évoque le retour aux racines de "Ferguson road". |
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