Eugene Chadbourne & Camper Van Beethoven

Camper van Chadbourne

par Francois Branchon le 01/05/1998

Note: 7.0    
Morceaux qui Tuent
Ballad of Easy Rider
Careful with that axe Eugene


En 1978 apparut le label Rhino, délibérément iconoclaste. Leurs artistes étaient aussi cinglés que les responsables artistiques qui les signaient : Wild Man Fisher, qui n'enregistrait que sur les marchés ou dans les stades (un fameux triple live sponsorisé par Frank Zappa à son actif), le cow-boy psychopathe Fred Blassie, le Temple City Kazoo Orchestra, sémillante formation de 13 kazoos reprenant "Zarathoustra" de Strauss, sans bien évidemment oublier la publication très recherchée des pensées de Ronald Reagan : une cassette C60 vierge...!

Rhino est depuis devenu riche, a pignon sur rue, ou plutôt sur plage, à Santa Monica (Californie)... Eugene Chadbourne n'était pas chez Rhino, mais aurait pu ! Allié en la circonstance aux jeunots de Camper Van Beethoven (groupe à petit succès des années 80, fameux pour une géniale reprise psyche-folk du "Pictures of matchstick men" de Status Quo), il publie en 1990, quasi anonymement, cet album de country-folk déjanté, empli de perles, prenable au deuxième comme au troisième degré. Bonheur ! Le voilà qui reparaît chez les anglais de Fundamental. Visite guidée et savoureuse des reprises : "Reason to believe", le chef d'œuvre absolu de Tim Hardin, un medley de Zappa traversé de stridences de guitare acoustique "free", une version de "Ballad of easy rider" bien éloignée de celle des Byrds, mais autrement plus dense, "Hum Allah, hum Allah" de Pharoah Sanders (mais oui !! ) et l'inévitable "Careful with that axe Eugene" de Pink Floyd ! A-t-on jamais vu répertoire plus éclectique ? Au nombre des compositions personnelles, le fondant "Boy with the coins" est imparable.
Comme les Auguste qui maîtrisent parfaitement leur technique pour savoir faire foirer leurs coups, Eugene Chadbourne a suffisamment de science musicale, de sensibilité et d'esprit pour se permettre de chanter à la limite du faux, de laisser dérailler sa musique en simulant le chaos. Le free-folk n'est pas un genre fort répandu : Tim Buckley l'aborda du côté vocal sur des trames plutôt jazz, Chadbourne lui, prend la musique des bons cow-boys, lui donne un joyeux coup de pied au cul et l'expédie dans les étoiles. On devrait présenter sans tarder the Big Chadbourne aux frères Coen !