| | | par Sophie Chambon le 24/09/2005
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| Saluons la naissance de Philly Jazz, un nouveau label de Philadelphie qui laisse découvrir une série de musiques opérant une rare synthèse entre "soul jazz, cosmo blues et rythmes éternels". Y aurait il un son propre à la "City of brotherly love", autrement dit un son Philly ? Comme il y eut un style de la "Cité des vents" ou un courant West Coast ?
C'est l'originalité de ce label que de laisser un espace d'expression à des musiciens qui ont choisi de ne pas quitter leur ville natale. Sans être attirés par certaines sirènes tentatrices, comme en leur temps John Coltrane, Lee Morgan, Stan Getz, Archie Shepp, les frères Brecker et beaucoup d'autres, qui firent leur carrière à ce prix-là. Au détriment parfois de leurs ambitions musicales, la guitariste Monette Sudler, le cornemuseur Rufus Harley, le vibraphoniste Khan Jamal et le saxophoniste Byard Lancaster s'attachèrent à rester actifs et créatifs au sein de leur communauté, dans la première capitale des états de l'Union. Et c'est justement l'album de Lancaster qui a retenu toute notre attention.
Byard "Thunderbird" Lancaster poursuit sa quête des racines et d'un folklore universel. Il était actif aux plus belles heures de l'époque free avec Sonny Sharrock, Sunny Murray - a même participé à l'Archestra de Sun Ra - a rencontré en France dans les années 70 le contrebassiste Didier Levallet, et plus tard Hugh Masekela ou le tromboniste Garrett List
Véritable homme-orchestre, "Thunderbird" sait tout faire : chanter, composer et jouer : saxophone ténor et alto, flûte bien évidemment, clarinette basse, percussion et piano. Il fait le grand écart non sans hardiesse entre "Sex machine" et "Love supreme". Sa musique a le souffle de la vie, un rythme lent et rapide comme le passage du temps, la fraîcheur de l'enfance et aussi une certaine sagesse, privilège de la maturité. Byard Lancaster ne cherche pas à donner une image de l'Afrique, mais il sait faire ressortir ce qu'il a de plus africain en lui, ("Afro-ville"), rétablir les correspondances avec naturel et douceur, avec le jaillissement de la flûte dans ce "Philadelphia-Africa" bien nommé, exercice de générosité et de résistance, ou l'émotion d'une mélopée toute simple au Moog "Work and pray".
Il ne dédaigne pas dans cet album s'entourer de partenaires français qui vont justement colorer d'un son particulier les rythmes de la Caraïbe, imprimer une joyeuse turbulence, en accord avec les éléments comme dans "Tropical satellite" : Roger Raspail aux percussions, Georges Édouard Nouel au piano Fender et Moog, Anne Wirz pour les parties chantées ("A heavenly sweetness") ou récitées ("She divine"). La fraîcheur de cette musique est intacte, autant que l'énergie jubilatoire qui s'en dégage. Sans le moindre temps temps mort, mais sans saturation ni ressassement, elle donne l'impression d'une création continue. Depuis la "Liberty bell" town, Byard Lancaster parcourt le monde entier, faisant entendre son message de joie et de réconciliation. |
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