| | | par Martin Simon le 31/03/2004
| Morceaux qui Tuent Roses & bluejays Craftmanship Sole
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| Nen déplaise aux grosses productions calibrées, il y a encore de petites merveilles qui nous arrivent de trous perdus, parvenant malgré tout à se frayer un chemin jusquaux majors. "Talkin honky blues", sixième album de Richard Terfry, aka Buck 65 (et deuxième distribué par Warner), simpose comme un aboutissement pour ce jeune homme originaire dHalifax, Nouvelle-Écosse. Cest en ayant activement participé à cette scène locale, au sein des collectifs Sebutones et Anticon, et en créant Metaforensics, son propre label, que Buck 65 a largement contribué à faire dHalifax un des repères du hip-hop indépendant.
"Talkin honky blues" est un de ces disques qui enivre dès la première écoute. Absolument sublime dans son ensemble, le canadien à la belle gueule offre ici un hip-hop pour le moins métissé, aux influences multiples : il y a dabord cette toile de fond indéniablement folk, admettant de plein gré Johnny Cash, Tom Waits & autres Vic Chesnutt comme sources dinspiration. Et puis il y a le reste, étoffé de touches habiles, réfléchies : on y découvre ainsi quelques riffs chers à Calexico ("Riverbed 1"), rythmiques et basses dub empruntées à Roots Manuva ("Sore") ou encore lintro de "463", étrange écho au fameux "Organ donor" de Shadow. Décidément, la distillerie nord-américaine est riche en saveurs.
Véritable orfèvre du hip-hop, dune admirable aisance musicale, Buck 65 chevauche ses machines pour dompter les samples, arranger, tourner, retourner, briser les clichés. Entre grosses guitares saturées, clavecins, pianos honky tonk, scratches et beats décousus, il se promène, ballade son auditoire, et semble se plaire à surprendre là où on ne lattend pas. Éléments disparates donc, mais ambiances diverses également : si lalbum est essentiellement nuancé entre mélancolie et noirceur, on y retrouve quelques titres plus enjoués, comme lentraînant "Wicked and weird", qui pourrait bien faire lobjet dun hymne estival. Cerise sur le gâteau, cest avec brio que le producteur donne lui-même vie à ses textes, quelque part entre nouvelles et extraits biographiques, tantôt teintés de cynisme, de candeur attendrissante ou dhumour bien placé. Conjugué à un flow de qualité et des paroles affinées, le hip-hop hybride et inclassable de Buck 65 sent bel et bien lAmérique profonde, le vieux bois et le bourbon, comme si ses platines dernier cri cherchaient, à la manière dun nouveau western bien ficelé, à ressusciter les spectres du passé.
Aujourdhui, le prolifique petit Buck a mûri. "Square", son précédent album, inspirait le respect : avec seulement quatre pistes distinctes, il évoquait les quatre faces d'un double vinyle. Plus loin encore, le maxi "50/50 where it counts", et son intrinsèque grain lo-fi typique, sétait imposé comme un vrai standard du collectif Sebutones. Tendant à séloigner de ses racines purement hip-hop et minimalistes, réservant une place plus conséquente à la pluralité des sons et avant tout au son rock -, le virage est certes réel, mais là où dautres sy sont lamentablement plantés (nest-ce pas B Real
), dineptie aucune.
"Talkin honky blues" sinscrit en effet dans une véritable continuité, respire lintégrité, lauthenticité, et expose au grand jour un véritable talent. Un disque bien pensé, peaufiné, poli sous tous les angles. Sans nul doute lune des productions hip-hop les plus remarquables de 2003. |
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