Bien que "Social kaleidoscope" semble sorti de nulle part, Boris Maurussane fait partie d’une scène française composée d’esthètes raffinés et parfois désargentés, un peu en rupture avec les valeurs dominantes, entre lesquels le tropicalisme brésilien ou la pop baroque sont autant de signes de reconnaissance. Musicien chez certains d’entre eux (Athanase Granson, Domotic, Morricone Ensemble, Serieyx...), Maurussane est un chercheur, à parts égales scientifique (pour le côté savant, composé) et alchimiste (la recherche de la pierre philosophale pop) : "Social kaleidoscope" sonne comme la libre rêverie d’un intellectuel.
Le disque s’ouvre sur l’instrumentale "Départ", ce qui nous met sur la piste de "Let’s go away for awhile", sur "Pet sounds" des Beach Boys (1966) : un disque qui pourrait servir de moule originel, et le genre "pop" de creuset idéal pour fondre une espèce d’esperanto musical. Boris en confie la traduction à des musiciens talentueux qui forment une famille possible : Julien Gasc (Aquaserge) à l’orgue, Dick Turner (Orval Carlos Sibelius) au trombone, Gabriel Nauleau (Fantasy Orchestra) à la trompette, Emma Broughton (Olivier Marguerit, Thousand, Blumi) à la flûte traversière, ou encore Laurent Talon (Dorian Pimpernel) à la basse. On pense également au compositeur-arrangeur Mehdi Zannad (Fugu, son travail avec John Cunningham).
Dans le chaudron : Beatles, Pink Floyd (période "Obscured by clouds", 1972), The Left Banke, bossa nova, du soft rock teinté de psychédélisme (la longue "Your life is full of leaves" fait penser à Midlake)... Maurussane n’est jamais écrasé par ces références et se donne les moyens de son inspiration : outre les classiques instruments pop-rock, il colore ses compositions de clavecin, trompette, épinette, hautbois, basson, cor, et cordes.
Peut-être qu’à cause d’un léger voile de distanciation, la formule de la transmutation échappe de peu à Boris Maurussane, mais "Social kaleidoscope" est un remarquable essai.