Pour leur deuxième disque, Bon Iver joue le contrepied. Le groupe / projet de Justin Vernon (plus Mike Noyce et Sean Carey) était devenu chouchou de l'indie-folk connectée au net avec "For Emma, forever ago" (2008), nu comme l'écorce des arbres entourant la cabane au fond des bois qui a vu son enregistrement. Sobrement intitulé "Bon Iver", ce nouveau Lp enfile une doudoune cotonneuse et se promène dans autant de lieux que de chansons – une manière de solder le compte de "For Emma" ?
"Perth" pose d'emblée quelques bases autour desquelles "Bon Iver" va plus ou moins mollement s'aventurer : des arpèges de guitare électrique résonnant dans le vide, des voix dont une de tête pour un effet d'aspiration verticale et une gestion des temps calmes et pleins. Vernon appelle dans plus d'un titre des univers musicaux éloignés les uns des autres, comme par exemple la rythmique de tambour-major sur ce même "Perth" remplacée ensuite par une batterie à double (voire triple !) pédalier comme dans le metal. La musique de Bon Iver est un peu mutante, corrigeant son folk à coup de field recordings électroniques, utilisant des cuivres et des cordes (le banjo) mais passant la voix au travers de filtres déshumanisants (notamment l'autotune sur le Ep "Blood bank"). C'est justement la voix qui (me) pose problème, haut perchée dans un falsetto continu, genre Bee Gees compatible blogosphère – créature curieuse, maniérée et recherchant les effets. Passé le décodage de la chanson d'ouverture, les titres ("Towers", "Hinnom TX.", Lisbon OH."...) s'enchaînent sans laisser d'autre trace dans la mémoire qu'une seule et même ambiance monotone... jusqu'à "Beth_Rest", ultime maniérisme dont on jurerait qu'il a été composé par Eric Serra période "Subway" ou "Le grand bleu" ! C'est paradoxalement ici, dans ce moment le plus déterritorialisé possible, également inhabitable et inconfortable, que l'on trouve un peu d'intérêt à "Bon Iver".
"Bon Iver" appartiendra à ceux qui aiment se forcer à rentrer dans un disque. Les autres, jusqu'ici indifférents à l'approche un peu ésotérique de Justin Vernon (voir son disque avec Volcano Choir), ne changeront pas d'avis.