Tout part des Moody Blues qui, malgré
leurs succès phénoménaux entre 1967 et 69 (trois albums en haut
des charts mondiaux) ont les pires difficultés avec les dirigeants
de Decca à imposer leurs desiderata pour leurs albums, des choix des
titres aux couleurs des pochettes, bref leur minimum de liberté
créative.
A la manière des Beatles chez EMI avec Apple, les
Moodies vont imposer aux bureaucrates de Decca la création de leur
propre label intégré, Threshold. Avec celui-ci ils verront grand,
développant un réseau de boutiques de disques en Angleterre, et
surtout, signant des groupes, afin de leur éviter "ce
qu'eux-mêmes avaient connu comme obstacles et personnalités obtuses
à convaincre". Intention louable mais qui deviendra après
quelques mois un fardeau trop lourd à porter, Graham Edge (batteur
des Moody Blues) reconnaissant avoir été trop vite ensevelis sous
les contraintes, et obligés à leur tour de dire aux groupes ce
qu'ils avaient eux-mêmes entendu... Exit Threshold comme tête
chercheuse, reconverti comme structure au seul service des Moodies.
Mais l'espace de quelques mois, en pleine euphorie de lancement, le
label signera quelques groupes intéressants (Trapeze, Nicky James)
et surtout Asgard.
Réjouissant dans le monde progressif,
Asgard (tenant son nom de Tolkien) n'a PAS de claviers, la guitare y est centrale et aucun des
huit morceaux n'atteint les six minutes (bon signe, non ?).
Enregistré dans le studio des Moody Blues, "In the realm of Asgard"
est aussi encadré par leur producteur Tony Clarke, pas étonnant de
retrouver donc dans cette musique une prioritaire irrigation rock,
avec une batterie qui pense avant tout à pulser, un violon qui
teinte les morceaux de ses harmonies sans aucun gris-gris emmerdant
et un guitariste, Rod Harrison, inspiré, lyrique, ancien leader du
groupe Bulldog Breed, qui emporte son groupe vers des cieux
volontiers psychédéliques.
Asgard
aura profité de l'ouverture Threshold, mais n'aura malheureusement
connu que ce seul album. Une petite pépite cachée.