Chiaroscuro

Arve Henriksen

par Hugo Catherine le 18/03/2005

Note: 8.0    

Arve Henriksen nous libère de nos pensées les plus brumeuses. Sa musique est une pure épuration. Elle parvient à nous propulser dans un état de contemplation qui révèle parfois des égarements hypnotiques, et ce jusqu'à l'extinction finale qui s'opère dans une grande douceur.

La délicatesse ambiante tient en grande partie aux entremêlements répétés de la voix et de la trompette. Ceux-ci apparaissent dès l'ouverture avec "Opening image" et donnent une vraie unité stylistique à l'ensemble des morceaux. Ainsi, sur "Bird's-eye-view", les mélopées de la trompette sonnent tantôt comme des voix étouffées, tantôt comme des souffles apeurés. Sur "Chiaro", les tonalités de la voix rappellent les échos des chorales ancestrales. Sur "Holography", la trompette semble se muer en cor de chasse ou bien même en ney arabisant. "Circled take" poursuit par l'expulsion d'un souffle circulaire mêlant hululements de cordes vocales et percées de trompette.

Ainsi Arve Henriksen se joue de notre perception différenciée des sons en se nourrissant de couleurs musicales quasi-folkloriques. La voix et la trompette semblent constituer un seul et unique organe. Il ressort, de ce brouillage purifiant, comme une plainte soyeuse, lointaine, planante, voire flippante.

Les phases extatiques et mystérieuses des samples de Jan Bang sont magnifiquement sous-tendues par les touches percussives de Audun Kleive qui fait preuve d'une créativité subtile. Les pulsations se font sourdes, les montées subites des xylophones ou autres grelots ne brusquent en rien l'orchestration minimale, la légèreté des balais constitue un contrepoint parfait aux atmosphères envoûtantes. Hors-temps, hors-champ, les clipotis de bric et de broc s'ajoutent au doux tourbillon des couches mélodiques.

Contrairement à "Parallel action" qui se rapproche malheureusement d'une forme plus attendue d'électro-jazz, "Blue silk", peut-être le morceau le plus réussi, fait appel aux envolées des souffles, des cris, au crescendo des nappes, aux fourmillements des percussions. Cette comptine bluesy nous transporte aux confins de la délicatesse. La musique est alors comme suspendue, tendue, discrète.