| | | par Chtif le 09/11/2006
| Morceaux qui Tuent It's good to be alone Being there
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| Ce qui est bien avec les années 80, c'est qu'elles sont loin : on dispose désormais d'assez de recul pour aborder plus sereinement un disque sorti en 1982, et trouver du charme à ces nappes de claviers new-wave qui nous ont fait ricaner pendant toute la décennie passée. En grattant derrière la façade de néons, on déniche même parfois de sacrées bonnes chansons dont seuls les nostalgiques du rimmel se souviennent.
C'est le cas d'Artery, groupe de Sheffield créé en 1979 dans le sillage de Joy Division, et depuis quasi-oublié pour cause de non-suicide du chanteur. Dommage : il n'y a rien à jeter sur les 18 titres de la compilation Cherry Red résumant la première phase de la carrière perturbée de la formation (cinq ans d'existence au compteur, et au moins trois splits intermédiaires).
Artery n'échappe pas au jeu des comparaisons avec les groupes marquants de l'époque : on pense aux Residents, aux guitares flippantes à la Bauhaus sur "Louise", ou aux parties tribales chères aux Talking Heads sur "Africa" ou "The slide". Cependant, le groupe réussit à créer son propre style, surtout grâce au jeu de claviers singulier de Simon Hinkler (futur Pulp). Son style cabaret plante le décor parfaitement bancal d'un vieux film muet fauché ("One afternoon in a hot air baloon", bobine perdue des Marx Brothers ?). Dans ses divagations les plus incongrues, Artery sonne comme une version new-wave des Doors. Pas étonnant à ce titre qu'ils en reprennent l'un des morceaux-phare, "The Alabama song" : à ceci près que leurs pieds titubants quittent les chemins boueux de Dixie pour les trottoirs fantasques et cuivrés de Broadway.
Moins sombre et hanté que la bande à Ian Curtis au prime abord, Artery n'en délivre pas moins un post-punk cynique truffé de contrastes. Les paroles se posent ainsi la plupart du temps en porte-à-faux avec la musique. Alors que "The clown" fait son tour de piste sur un air de fanfare rouillée au kazoo grinçant, et que l'on dépiaute des carcasses à petits coups de xylophone sur "The butcher's shop", le chanteur Mark Gouldthorpe prend plaisir à clamer "It's good to be alone" sur un air de valse glam. Les arrangements sont imprévisibles, mais retombent toujours sur leurs pieds : même un thème à la James Bond parachuté au coeur de "Being there" semble le fruit d'une logique tout à fait respectable en compagnie de tels énergumènes.
John Peel, tombé sous le charme du single "Into the garden" à l'époque, leur accorda son label rouge et deux prestations à la BBC. Le flair du programmateur ne s'était pas trompé. Vingt ans plus tard, les compositions ont l'air moins datées que pas mal de nouveautés.
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