| | | par Sophie Chambon le 17/06/2002
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| Pour célébrer dignement les trente ans du label ECM, son fondateur et producteur Manfred Eicher a eu l'idée intéressante de demander à ses artistes un auto-portrait à partir des moments fastes de leur carrière. Ainsi est née la collection :rarum où chacun des musiciens convoqués est libre de faire son auto-critique, son "best of" de son vivant : fabuleux cadeau que de pouvoir réécrire en quelque sorte son histoire, en corrigeant ou même effaçant certaines imperfections plus ou moins graves. Avec l'Art Ensemble of Chicago, il est assez facile de créer un album compil, puisque le trompettiste Lester Bowie, l'un des fondateurs de ce projet hors cadre en 1969, ne l'a jamais quitté depuis, malgré une carrière solo parallèle. Les titres choisis reprennent donc les quatre albums pour le label ECM, entre 1978 et 1984, du groupe composé de Malachi Favors à la contrebasse, Famoudou Don Moye aux percussions, Joseph Jarman et Roscoe Mitchell aux divers saxophones et autres instruments à vent. Pour compléter le tableau, deux extraits d'un album de Bowie avec une autre formation en 1981, et très récemment le bien nommé "Nine to get ready" de Roscoe Mitchell and the Note Factory. Ainsi cet album étrangement sage dans sa cohérence, réussit à donner une juste représentation d'un des mouvements de la "great black music". Personnalités et styles s'affrontent bien volontiers au sein d'un véritable laboratoire d'instruments et de techniques pour explorer et rendre compte précisément de la complexité évolutive de la musique afro-américaine. Lester Bowie sur "Magg zelma" de l'album "Full force" se livre à un délire ludique de mélodies improvisées où la trompette est contrôlée, mais aussi prolongée par des effets de bouche et divers sons forcément un peu bizarres de l'avant-garde. Il fait ainsi la preuve de sa maîtrise technique sur un instrument particulièrement délicat. Si la devise de l'AEC était "Great black music, ancient to the future", le cliché du "free jazz, black power", sauvage et violemment désordonné, a parfois la vie dure. Il n'est qu'à entendre "Odwala" ou "Charlie M" pour se convaincre qu'il s'agit plutôt de reprises énergiquement joyeuses de la tradition, à grand renfort de collages simplement fantaisistes, de happenings débridés avec la gestuelle théâtrale qui convient. On peut aussi se laisser aller à un moment de recueillement avec "Prayer for Jimbo Kwesi". En définitive ces quatre lascars étaient de très "nice guys". |
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