"Un beau matin" est le
premier disque enregistré sous son nom par Areski Belkacem,
compagnon des premières heures de Jacques Higelin ("Higelin &
Areski", 1969) et compagnon tout court de Brigitte Fontaine,
pour laquelle il compose dès "Comme à la radio" (prix de
l'Académie Charles-Cros 1970, avec les jazzmen de l'Art Ensemble of
Chicago) jusqu'à aujourd'hui. Paru en 1970 sur le label Saravah,
c'est au disquaire parisien Souffle Continu que l'on doit cette
première réédition en Cd et vinyle.
L'audace et le
minimalisme des arrangements saisissent et intriguent
instantanément : percussions (derbouka ?), touches
d'électronique et mélopées de chââbi algérien, sur lesquels
Areski pose d'une voix douce un texte dans lequel il est question de
brigade des stups, de métro parisien, d'agents et de chiens... On
est loin des éructations d'un Léo Ferré ! Le portrait d'Areski en
couverture est aussi celui d'une France post-68, traité sur un mode
impressionniste avec "Liberté", ou "Bali" avec
ses cordes dissonantes en guise d'exit définitif de l'Occident,
"tache d'ordures sur le monde". Arrangeur de grand talent,
Areski sait aussi mobiliser des instruments classiques, en mode
contemporain dans "Bali" ou plus traditionnellement dans
l'instrumental "80 A." dans lequel les violons dansent une
gigue folklorique, soutenus par une contrebasse jazz. Plus loin une
flûte prendra le relais sur la chantée "80 A.B.".
La
voix a néanmoins une place centrale. Dans "Chanson pour sa
mère", elle se charge de tout, percussions comprises (les
mignardises d'une Camille en pâlissent), provoquant une transe a
cappella. Elle est souvent accompagnée par un nombre limité
d'instruments, comme quelques percussions presque arythmiques ("Nous
avons tant parlé"). Sur "A chaque tournant" répond à
Areski une ritournelle enfantine, chantée par un choeur dans lequel
on entend les sourires des participants. "Comme avant" se
réchauffe au soleil d'une mélodie brésilienne (on n'est pas sur le
label Saravah pour rien) portée par le chant, sans pour autant que
la musique ne donne d'autres indices sur la destination.
"Le brouillard" final obscurcit le soleil qui semblait prêt à se lever sur "Un beau matin",
mais si le fond semble parfois dépressif, la forme est gracieuse et
légère comme une brise soufflant sur les plaines et les montagnes
de Kabylie.