| | | par Elhadi Bensalem le 08/05/2007
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| Passer d'un album à dix mille $ et quelques litres d'expresso enregistré dans un salon, à l'arrière des taxis et dans quelques cuisines new-yorkaises, à un autre, enregistré dans une église aménagée en studio Hi Tech, avec un orchestre et des churs Hongrois (à Budapest), sans pour autant délaisser les backseats de taxis
il n'y avait qu'Arcade Fire pour le faire. En incarnant (et le mot est faible en viande) depuis bientôt trois ans la figure de proue d'une scène montréalaise qui n'a pas les mains dans les poches, le groupe/fanfare à géométrie variable en est presque à reléguer au rang de souvenir ce "Funeral" gargantuesque qui avait secoué (le mot est encore faible) une grande partie du public indie-rock mondial. Ce bien nommé "Neon Bible" donc, titre donné par le chanteur et co/leader Win Butler, sûrement inspiré par le parcours peu orthodoxe de John Kennedy Toole, l'auteur du roman éponyme, va encore plus loin que son prédécesseur.
Le lyrisme échevelé de "Funeral", est secondé ici par un épais souffle profane. La vrai/fausse thématique du deuil est abandonnée au profit du questionnement spirituel dans une relation d'amour/haine latente. Massif, le son est porté par des nappes venues d'on ne sait quels instruments. Ici on croit reconnaître une guitare, c'est une basse, là on devine un synthétiseur, ce ne sont que des violons. Les musiciens jouent ainsi au chat et à la souris avec l'auditeur, l'emmenant dans des dédales dont ils ne connaissent même pas eux-mêmes la sortie. On entre dans "Neon Bible" comme on entrerait dans un aquarium, les mouvements s'y font plus lourds, les sons plus approximatifs. On lie parfois le son d'un album avec sa pochette, celle-ci en est le reflet parfait. Noire et en même temps lumineuse, moderne mais rustique.
A l'image des instrumentations gavées d'orgues, de cordes et de churs, la voix de Win Butler est plus directe. On l'a souvent accusé de chanter faux, mais ce n'est que sa sensibilité à fleur de peau de chanteur, qui le fait dérailler des sillons de l'auto-tune, adoré des amateurs de fausse perfection et des producteurs véreux. En s'éloignant de l'influence (trop ?) présente de Ian McCulloch, le leader des mythiques Echo & The Bunnymen, il devient un de ces chanteurs à la signature vocale sans équivalent, à l'égal d'un Bowie, ou d'un Chris Martin (qui n'a malheureusement que cela à offrir). Les interventions de Régine Chassagne (son épouse à la ville comme à la scène), se font plus justes. Elle reprend là ou elle l'avait laissé (et en français s'il vous plaît) le thème de son île d'origine, Haïti, "Black waves/Bad vibrations" déroulant ce fil rouge en forme de résilience d'un passé douloureux. Win Butler y va aussi de ses exorcismes salvateurs, continuant, en sous-marin, à dénoncer l'imposture des religions et de l'entourage familial (il a été élevé dans une communauté de Mormons). Les phrases choc sont donc nombreuses : "i don't want to live in my father's house no more" ("Windowsill")... "working for the church while my family dies" ("Intervention"). Les chansons s'enchaînent, mais les maux restent : "My body is a cage", "Black mirror".
Très bon point pour "Neon Bible", la quasi-absence de beats discoïdes, qui permettaient aux perfides, de reléguer le groupe au niveau d'une hype Franz-Ferdinandesque et accessoirement superficielle. Les concerts en sont néanmoins systématiquement complets et ce en moins de temps qu'il en faut pour dire le nom des dix membres du groupe (dix n'est qu'une estimation...).
En résumé, le défi de garder la même hauteur que le premier effort est relevé, les singles sont bel et bien là pour les éventuels gestionnaires cupides, l'âme et la passion sont à la fête et l'honneur est sauf. Seulement, ce groupe à l'intégrité sans faille et qui ne regarde que devant lui, s'en soucie-t-il vraiment ? |
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