Jazzclub

Alexandre Clerisse

par Sophie Chambon le 25/05/2007

Note: 8.0    

L'histoire tourne autour de cette chose magique et si mystérieuse qu'est l'inspiration. L'intrigue est des plus rocambolesques, se laissant aller à une suite de flash-backs très cinématographiques et…bizarres : à la suite d'une rupture sentimentale, Norman, jeune saxophoniste inspiré par le style West Coast, fuit Los Angeles - nous sommes en 1966, en plein Flower Power - et disparaît, tout comme son inspiration, kidnappé par une secte de l'Apocalypse prédisant la fin du monde pour le 31 décembre 1999. C'est donc "logiquement" qu'il réapparaît à cette date, plus de trente ans plus tard, dans le Midi de la France… pour vivre la fin de sa formidable aventure.

Les Bd consacrées au jazz ne sont pas nombreuses, et véhiculent souvent un certain nombre de clichés (drogue, alcool…). Dans "Jazzclub" justement, les couleurs flamboyantes, le graphisme épuré ne rappellent en rien les images de clubs de jazz enfumés et glauques. C'est peut-être ce qui attire l'œil en premier lieu, cette extraordinaire clarté du trait, ces lignes simples mais efficaces, le non formatage des pages et des bulles. Un travail net et très lisible, une tentative de faire revivre une époque et une Amérique plus imaginée et fantasmée que réelle (avec un orange flamboyant qui domine). Le sud de la France dans lequel on retrouve Norman (dont la silhouette évoque par moment Barney Wilen) peut s'apparenter aux paysages forestiers et sauvages du Cantal dont Alexandre Clérisse est originaire. Pour l'aspect musical, retenons les références inévitables : affiches, pochettes d'albums de Miles Davis, John Coltrane, Jimmy Giuffre... sans oublier l'incontournable Frank Zappa, le génial moustachu qui en ces années soixante, publiait le chef d'œuvre "Absolutely free".

Plus encore que les éléments de la "culture jazz" qui apparaissent à point nommé, c'est la mise en abîme qui se révèle particulièrement réussie, puisque "Jazzclub" est au départ un travail d'improvisation totale. Cette réflexion sur la pratique du jazz et l'essence même de cette musique se reflète dans le feuilleton dessiné, se lit dans cet exercice de style brillant qui remplit chaque nouvelle case blanche. Frôler la béance est toujours possible, affronter le vertige, le vide attend le musicien, l'écrivain, le graphiste, chacun des artistes qui tentent la démarche d'improvisation. Un auteur attachant dès son premier ouvrage, à suivre assurément.

Alexandre Clérisse, jeune auteur né en 1980, est sorti avec ce premier album, diplômé de l'École Supérieure d'Angoulême et a reçu le soutien de la Maison des Auteurs d'Angoulême (où il est actuellement en résidence).