Dès l'ouverture de "Serza",
nous entrons dans un univers de désolation et de décrochages. Les
morceaux, comme "Bows and airplanes" peinent à prendre
leur envol et préfèrent la délicatesse de l'hésitation à la
clarté d'une ligne narrative. Et pourtant, les créations d'Alexandr
Vatagin captent puissamment notre attention. Nous sommes ballotés au
gré des événements électro-acoustiques ponctuant notre écoute.
Alexandr Vatagin excelle dans l'art d'associer petites perturbations
électroniques et textures acoustiques (piano, violon, guitare,
basse, cymbales, toms, caisse claire…). Sur "La douce",
les instruments s'entrelacent admirablement avec les larsens. Ces
derniers prennent d'abord le dessus sur "March of the dancing
barriers", mais libèrent ensuite le champ sonore au piano.
Souvent, nous suivons le chemin des instruments acoustiques, ouvrant
des brèches et les refermant aussitôt. Parfois, les morceaux sont
plus nettement jazz ("Elbe", "Mantova") et nous
entendons alors plus un groupe qu'un électronicien solitaire.
Cet
album, assimilant musique bruitiste et musique de chambre, pousse au
repos mental. Avec des matières sonores souvent arides, Alexandr
Vatagin produit quelque chose d'étonnamment zen, extrême et doux à
la fois. Il privilégie l'éphémère à l'agressivité des sons,
conférant à chacun d'entre eux une place discrète et accommodante
pour les touches acoustiques voisines. Sur ces apports acoustiques,
nous pouvons peut-être regretter la présence parfois trop accentuée
de la basse, venant marquer un peu mécaniquement des ambiances déjà
bien audibles.
La concision de "Serza" (à
peine plus de trente minutes) est admirablement élégante. Les
pistes bien ramassées évitent le piège de l'expérimentation
bavarde. Ainsi, sans jamais nous attarder, nous effleurons des
réminiscences, nous tâtonnons parmi les sons. Alexandr Vatagin n'a
pas le temps de se répéter et nous avons tout le temps de rêver.
ALEXANDR VATAGIN Mantova (Audio seul)