Livre Histoire de la musique | | 2009 | | livres Fayard 2009 |
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SPIRALE | | |
| | | par Sophie Chambon le 06/01/2010
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écoute et lit Alain Gerber depuis si longtemps qu'il nous est devenu
familier. Il creuse le même sillon "Black and Blue" avec
une énergie rare et éclaire d'un angle toujours original son
terrain favori d'exploration, la musique de jazz.
Après
nous avoir fait comprendre au travers des vies de ses drôles de
héros, Louis Armstrong, Charlie Parker, Billie Holiday, Chet
Baker... que "le jazz est un roman", l'écrivain s'attaque
à un gros morceau, aux racines même de cette musique, le blues.
Il
sait comme personne mêler grande et petite histoire, raconter la
Guerre de Sécession, le Sud vaincu et dévasté, le destin de
musiciens noirs au cœur de la tourmente. Car si les esclaves sont
libres, personne n'a encore le cœur à se réjouir. La
mort, la violence, le désespoir orchestrent ce récit haletant,
traversé du souffle épique d'une histoire pleine "de bruit et
de fureur" de trois personnages principaux dont les voix se
relaient, au rythme des chapitres.
Nehemiah,
le surdoué qui apprend le piano en même temps que le fils de son
maître, le vil Devereaux qu'il finira par tuer ; Silas, son
ami, qui joue du banjo, de l'harmonica et de la guitare, enrôlé
dans l'armée, cherchant désespérément à retrouver sa femme,
deviendra "Blind brother Silas". Quant à la femme,
Cassie, ancienne esclave de la plantation Devereaux, elle a fui avec
sa petite fille Loretta vers le Nord, terre promise, pour retrouver
son homme.
Le
lecteur suit sur les routes, les cicatrices de la géographie
américaine du Delta, de la Nouvelle Orleans où les musiciens se
réfugient, à la Californie dont les chemins de fer furent aussi
construits par des Chinois.
Et
la musique naît, chant réprimé le long de la ligne Mason-Dixon de
démarcation raciale que suit le " chemin de fer souterrain"
gardé par de cruels serre-freins.
Nehemiah,
improvisant pour la première fois, pour son maître "connaît
cette étrange sensation que d'ignorer ce qu'était cette musique et
pourtant de ne plus vouloir en jouer d'autre … La musique,
encore inouïe, où il aurait reconnu le mystérieux objet de son
désir n'est ni celle de l'Afrique ni celle du Blanc : la
musique du Noir déporté sur cette terre américaine" ("Yellow
rose of Texas").
Alain
Gerber s'est emparé de l'Histoire pour en faire une matière
romanesque dense et colorée, lumineuse et violente. En éclaireur
avisé du passé, avec une forte identification à ceux qui ont
permis la naissance de cette musique qu'il aime tant, il recrée une
Amérique très vivante. Avec, en constant accompagnement, cette
musique "qui n'appartient à aucun des hommes qui la colportaient de ville en
ville… une musique immense, qui n'avait en aucun musicien ni son
commencement ni sa fin. Une musique à peau sombre…" |
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