Parmi les nouveaux crooners (ces "nouveaux Sinatra"), à chacun
sa filiation : Richard Hawley (Hank Williams), Jarvis Cocker (Lee
Hazlewood), Neil Hannon (Scott Walker)... Et au sein de cette bande,
jamais bien loin de la désuétude, il y a Adam Green, qui lui se
serait plutôt vu... en nouvel Iggy Pop ! Las, un physique trop frêle
(à son goût) le découragera de plonger à poil dans des tessons de
bouteille, et c'est en conteur peinard de cabaret que ce jeune New
Yorkais débutera fin 90 au sein du groupe anti-folk Moldy Peaches.
Mais c'est en solo qu'il exploite au mieux son timbre de velours. Son
créneau : la chanson pêchue et courte de moins de trois minutes,
vaguement humoristique, souvent trash. Les premiers albums,
"Garfield" (2002), "Friends of
mine"
(2003) et "Gemstones" (2005) furent plus que prometteurs,
parfaits de
bout
en bout, témoignages d'un artiste sûr de ses goûts et de son
style. Un
niveau
moindre sur les suivants, même si chacun recelait un trésor à
écouter en secret, "Party lines" ("Jacket full of
danger", 2006) ou "Grandma Shirley and papa" ("Sixes
and seven", 2008).
"Minor
love", son sixième, crade et rock'n'roll, est plein de très
bonnes
choses. Un son enfoui de vieux micro ("Breaking locks"),
des chansons
profondément
sauvages ("What act him so bad", "Oh Shucks") et
une perle,
"Boss
inside", dans laquelle Green se réclame de Leonard Cohen, et il
est
juste...
magique. Le morceau, bien trop court – une habitude ! - s'écoute
en boucle, une fois, deux fois, puis sans arrêt. Aux côtés de
titres purement "greenien" (Sinatra de cabaret, teinté
d'auto-dérision) que sont "Castles and tassels"
(furieusement Hazlewoodien), "Give them a token",
"Cigarette burns forever" et le plein de délicatesse
"Bathing bird", des curiosités : une guimbarde, de l'épure
acoustique, des boîtes à rythmes et des mixes de voix inhabituels
(un "Don't call me uncle" petit frère de "Grantchester
meadows" de Pink Floyd)... Et c'est après un "Lockout"
très bordélique, que vient en conclusion "You blacken my
stay". Cette chanson, la plus novatrice de toutes, commence
comme un standard, vire au blues, évolue vers une pop proche des
Beatles (une guitare très Harrisonienne) pour terminer sur un synthé
psychédélique sorti de nulle part. En deux minutes et des milliers
de revirements Adam Green aura réussi
à
nous perdre ! Qui à part les Beatles de "Hapiness is a warm
gun" réussirait une telle prouesse ?
Adam
Green, avec ce "Minor love" débordant d'amour pour
l'auditeur, nous
demande
une dernière fois, en bon troubadour, si on a aimé ses chansons,
tout
en confessant qu'il doit passer à autre chose et faire table rase du
passé,
cet amour obscurcissant sa situation. On sent un furieux second
degré...